Livre III : Chronicle I |
Leona regarda vers le bas, par-dessus le parapet du château de Giran, observant le retour de Vellion du camp ennemi. Le chevalier elf arriva bientôt et déclara formellement, "le chef des forces ennemies a rejeté la requête de Leona."
Elle laissa échapper un petit soupir à la confirmation de ce qu'elle savait déjà. Le visage de Vellion parut un peu égaré et Leona se demanda s'il n'avait pas aussi reçu quelque insulte de la part de l'ennemi. Elle examina le camp ennemi étalé hors du château.
"Eh bien, nous devrons nous battre. Merci pour tes efforts, Vellion."
Le chevalier elf opina courtoisement du chef en réponse.
"Comme nous en avons discuté ce matin, Vellion, je veux que vous dirigiez les fantassins. Si l'ennemi parvient à passer les portes du château, vous devez les empêcher d'atteindre la cour intérieure. Le Baron Esthus m'a chargé de la défense de ce château et je voudrais empêcher l'ennemi de jamais atteindre l'intérieur du donjon.
"Je ferai de mon mieux. Le reste se trouve entre les mains des Dieux."
"Que la bénédiction des étoiles soit toujours avec toi."
L'elf descendit gracieusement les escaliers et disparut de sa vue. Leona soupira à nouveau, bien plus profondément que l'instant auparavant.
Moins de la moitié des forces défensives étaient restées à l'intérieur du château. Même Cardia de Hestui et d'autres sur lesquels Leona pouvait toujours compter, étaient hors du château. Les ennemis étaient apparus au moment le plus inattendu. Des espions se seraient-ils introduits entre les murs du château ? Et si tel était le cas, en qui pouvait-elle encore avoir confiance ?
Pendant un instant, ses suspicions s'affolèrent et toutes sortes de doutes s'immiscèrent dans son esprit. Cette fille, qui avait été projetée dans un rôle de Seigneur de château, essayait d'évacuer ces pensées qui la tourmentaient.
La colère s'empara de tout son corps comme la brume enveloppant un lac. Les jointures de ses mains devinrent blanches alors qu'elle s'emparait d'une pierre qui traînait sur les remparts.
"Je suis prêt à vous aider à la défense du château Dame Leona."
La déclaration venait de derrière elle, d'une voix qu'elle n'avait plus entendue depuis très longtemps. Se retournant, elle réalisa qu'il portait la robe verte de cérémonie que seuls pouvaient porter les Grands Prêtres d'Eva.
"Ah Ellik, vous êtes arrivé !"
"Je suis désolé, mais nous avons été grandement retardé à Dion."
"Ne vous excusez pas. Vous êtes au courant de notre… situation ?"
Ellik fit oui de la tête. "J'ai rencontré Dubian à mon arrivée."
Les 2 compagnons d'armes déambulèrent lentement à travers le château.
"Comme vous le savez, la structure de ce château est très semblable à celle du château de Gludio. La bataille la plus féroce de ce siège fut celle de l'entrée de la partie interne. C'était le maillon faible de la chaîne de défenses du château."
"Je regrette la disparition du Duc Waldner. C'était un homme bon. Est-il toujours porté disparu ?"
Le silence du prêtre Elf révéla qu'il préférait ne pas en parler.
Sa voix se fit plus sévère. "Les portes du château ne peuvent être défendues." Leona essayait de refouler les larmes qui montaient. "N'y a-t-il donc rien que nous puissions faire ?"
"Ce serait bien de gagner du temps aux portes du château et de réduire leurs rangs à partir de la protection établie sur les murs du château. Dès que l'ennemi réussit à pénétrer, il faut que nous soyons prêts à retirer nos troupes vers l'entrée du château intérieur."
"C'est aussi ce que je pense. Nous n'avons vraiment pas d'autres choix."
Ellik hocha la tête en signe d'acquiescement.
Leona retourna aux remparts du château. Baladant son regard sur le champ de bataille, s'arrêtant sur le blason à tête de chèvre sur fond noir qui ornait un des drapeaux. Tel un fardeau, elle pensa. "C'est donc là-bas qu'attend l'ennemi."
"Je suppose que ces pensées sont partagées par la partie adverse."
"Leurs actions ne sont pas de celles qu'un chef ordinaire oserait prendre, ni qu'un conseiller ordinaire recommanderait. Ellik, cette guerre déraisonnable est une dangereuse force qui se dessine devant nos yeux. Nous devons trouver un moyen de l'emporter."
Ellik observa Leona un instant – cette jeune humaine dont l'âge n'atteignait même pas le dixième du sien.
"Je suivrai vos instructions, Leona."
Elle retourna résolument vers les rangs des soldats et assigna les positions de combat aux archers et mages. Plus tard, alors qu'elle donnait les instructions de sa stratégie finale aux fantassins, de la cour intérieure, Ellik amena à sa rencontre une jeune femme elfe. Pendant les présentations, Leona remarqua qu'elle portait de très longs cheveux d'or et des traits fins. Autour de son cou se trouvait une amulette d'Eva, Déesse du lac.
Beaucoup des jeunes fantassins fixèrent la jeune elfe comme si c'était la première fois qu'ils voyaient une femme elfe en chair et en os. "Si seulement vous étiez moitié aussi attentifs à mes instructions," railla Leona ironiquement. Les soldats baissèrent tous le regard, soudain embarrassés. Dans un sourire, Leona invita les elfs à la suivre pour faire les présentations ailleurs.
"Voici Luellin, Oracle de mon commandement." Leona pouvait voir qu'il s'agissait d'une Elder de haut rang dans la société Elfe. Elle inclina la tête en salut à l'Oracle, espérant cacher sa nervosité.
"Durant la bataille, elle vous couvrira de sa magie protectrice et de ses soins."
Leona tendit la main. "Avec nos maigres ressources, les archers et les fantassins bénéficieraient bien plus de ces protections. S'il vous plait, assignez cette personne à la défense de Vellion, dans la partie interne du château. Recevoir une telle protection me parait injustifié."
La réponse d'Ellik fut polie, mais ferme. "Vous êtes notre chef. Nous prenons les mesures nécessaires pour vous protéger de toute blessure. Ne pas le faire mettrait la sécurité de tous en danger."
Réalisant qu'il avait parlé trop fort, il jeta un coup d'œil rapide aux fantassins, qui paraissaient trop occupés pour croiser son regard. Il parla à nouveau, un ton plus bas.
"Lorsque le siège commencera, tout ça ressemblera à une scène d'une incroyable confusion. Sincèrement, j'abhorre ce genre de bataille. La vie des jeunes, comme celle des vieux, qui auront subi déjà tellement d'épreuves, va disparaître en un instant. Au milieu de tous ces doutes, une seule chose est absolument certaine : Votre vie ne doit pas être sacrifiée."
Réticente, Leona acquiesça, sans un mot.
Une corne sonna au loin. Son hurlement plaintif poussa tout le monde au château de Giran à se préparer à la bataille ou à fuir avant le chaos qui allait suivre. Son retentissement régulier inspirait aux forces des deux côtés un objectif renouvelé.
Beaucoup d'entre eux rejoindraient bientôt les rangées de pierres dans quelque cimetière négligé.
Sur les remparts, les archers encochèrent les flèches, destinées à la masse, et bandèrent les arcs de toutes leur forces. Le bleu des soulshots se mélangea aux sorts lancés par les mages, jusqu'à ce qu'une aura dorée parcoure le corps des archers.
Les unités de soldats offensifs se mirent en rang par trentaines, attendant le signal. Enfin, les commandants sur le champ de bataille dégainèrent leurs épées et les soldats entamèrent leur marche vers le château dans un crescendo de piétinements ponctué par des cris de guerre.
Des centaines de flèches transpercèrent le ciel en un cruel arc-en-ciel.
La bataille avait commencé.